MUMBAI (BOMBAY) est la capitale du Maharashtra (État de l’Inde occidentale), la plus grande ville de l’Inde et l’une des six plus grandes agglomérations du monde. C’est une ville
côtière d’environ 18,1 millions habitants située dans une profonde baie.
A Mumbai intra-muros, la population a quadruplé en cinquante ans et la plupart des nouveaux arrivants se sont établis dans les bidonvilles.
Conséquence : le nombre officiel d’habitants dans les bidonvilles est passé, dans cette ville, à près de 50 % de la population totale de la ville estimée aujourd’hui à 14 millions d’habitants.
Les migrants d’origine rurale, poussés vers les villes par la pression démographique et la modernisation de l’agriculture dans le Maharashtra, peuvent trouver à Mumbai des solutions de survie en
travaillant dans les industries, le commerce, le secteur du bâtiment en pleine expansion.
Les familles qui habitent les bidonvilles sont le plus souvent séparées de leur groupe familial d’origine, de leur caste, de leur métier traditionnel et pour certaines d’entre elles de leur
dialecte ou de leur groupe linguistique. Ajoutée à la grande pauvreté matérielle et à la promiscuité, cette situation rend l’intégration encore plus difficile et engendre une déstructuration des
liens familiaux et sociaux qui facilite le développement de la délinquance, de la prostitution et de la drogue
Les actions en cours répondent à trois préoccupations majeures des familles les plus démunies vivant dans les bidonvilles :
➜ accéder aux services existants afin de résoudre les problèmes courants de santé, de gestion familiale et d’insertion: c’est l’objectif des actions d’accompagnement familial
➜ favoriser le développement affectif et psychomoteur des enfants en bas-age et le renforcement de la relation parents-enfants,
➜ faire face au risque de maladie, et en particulier à la tuberculose (maladie invalidante qui empêche l’accès au travail)
1) L’accompagnement Familial
Il consiste à accompagner les personnes au plan individuel, afin de créer de véritables relations de personne à personne qui permettent aux plus pauvres de reprendre confiance en eux-mêmes
Les familles accompagnées sont celles qui cumulent des problèmes dans tous les domaines (santé, éducation, revenus, administratifs etc.). Le manque d’argent et de travail est souvent l’une des
sources des autres difficultés.
Des permanences sociales ouvertes dans le quartier, et accessibles à tous les habitants, complètent les visites à domicile. Elles offrent aux familles un cadre plus neutre et la possibilité de
venir d’elles mêmes rencontrer les animatrices ou demander des informations. La permanence sert aussi de bureau à l’accompagnement familial et de point de rencontre pour des actions spécifiques
(groupe de mamans, séances de PMI, ateliers réalisés avec les pères, club des jeunes pour les 7-13 ans) qui mobilisent les bénéficiaires dans un cadre plus élargi.
Ce sont des animateurs spécialement formés, connus pour être très proches des familles, qui les accompagnent. Le but est d’encourager ces familles : les aider à reprendre confiance en elles,
évaluer leurs ressources, les responsabiliser et les mobiliser sur des objectifs précis (santé, éducation, accès à l’emploi) en faisant appel aux services publics ou privés existants.
Une relation privilégiée et de proximité
L’essentiel de la méthode repose sur de fréquentes visites à domicile pendant lesquelles l’animatrice établit une relation avec la famille. Cette relation d’écoute et de confiance se construit à
plusieurs niveaux : son caractère personnalisé, directement ciblé sur les difficultés les plus durement ressenties par la famille, lui donne tout son sens. L’écoute sans jugement et l’attention
soutenue d’une animatrice provoquent un regain d’intérêt, le plus souvent de la mère, pour sa propre situation.
Des résultats mesurables
L’accompagnement familial s’adresse à un nombre précis de familles choisies par les accompagnatrices en fonction de problèmes qu’elles vont pouvoir résoudre, (sans abandonner bien entendu les
critères préalables de pauvreté), et non pas seulement en fonction des problèmes qu’elles rencontrent. On choisit 4 à 5 critères relatifs à leurs besoins vitaux (par exemple: présence d’enfants
non vaccinés, d’enfants non scolarisés, nombre d’enfants par rapport à l’âge de la mère, problèmes d’hygiène, présence d’un enfant malnutri, conflits conjugaux, absence de documents
administratifs).
Importance du recrutement et de la formation des accompagnateurs
L’accompagnement familial est une activité particulièrement éprouvante humainement et psychologiquement. Il faut donc recruter des accompagnateurs solides moralement, bien préparés et suivis
régulièrement :
- qui soient de préférence originaires du même type de quartier, qui soient familiarisés avec les situations qu’ils rencontreront et qui soient capables d’instaurer une relation amicale et sans
jugement avec la famille
- qui sachent écouter et analyser les détails de la situation d’une famille, sans se laisser aller à porter des jugements, et qui cherchent au contraire quelles sont les capacités des parents, et
comment ils pourraient agir,
A ces qualités humaines, s’ajoute un socle indispensable de connaissances sur les principaux thèmes répondant aux différents besoins des familles.
2) L’aide à l’éducation
La prévention de l’échec scolaire reste un enjeu majeur dans les quartiers pauvres des grandes villes indiennes. Les enquêtes montrent que le niveau de pauvreté est directement lié au bas
niveau d’éducation.
Les écoles primaires publiques sont submergées par le nombre d’enfants. A tel point que les enfants ne vont à l’école qu’à mi temps. Il est courant de trouver des classes de plus de 65
élèves et des enseignants épuisés ou démotivés. La course à la réussite scolaire est acharnée et organisée dès le plus jeune âge. Dans les classes moyennes les parents assistent leurs enfants
dans leur scolarité ou les envoient dans des cours payants afin qu’ils reçoivent un enseignement complémentaire. Ces cours sont le plus souvent inabordables pour les familles des bidonvilles.
Toutefois, depuis la mise en place par le gouvernement indien en 2001 du ICDS (Integrated Child Development Scheme), la situation s’améliore rapidement avec l’ouverture de nombreuse écoles
gratuites y compris dans les bidonvilles.
Les nombreuses actions éducatives menées ces dernières années par les associations indiennes ont fini par créer un courant favorable à la préscolarisation des enfants, sur lequel on peut
s’appuyer aujourd’hui pour améliorer considérablement le recouvrement des coûts et l’autonomie de ces activités. Il s’agit d’organiser avec les associations locales une équipe éducative composée
de 3 ou 4 professionnels de l’éducation qui vont organiser des groupes de soutien scolaire au sein de communautés en lien avec les écoles primaires de chaque quartier.
3) L’éveil de la petite enfance
Des sessions hebdomadaires sont organisées pour les mères [1] et leurs enfants et lient des activités récréatives à des temps de partage d’expérience et de discussions thématiques sur différents sujets (la nutrition, l’importance du jeu, la socialisation,…).
Dans le contexte de pauvreté des bidonvilles, les parents sont bien souvent concentrés sur la recherche de ressources alimentaires et leur détresse sociale les conduit à sous-estimer leur rôle dans le développement de leur enfant. En outre, ces familles issues majoritairement du milieu rural ont coutume de confier l’éducation des jeunes enfants aux grands-mères et doivent désormais s’organiser à l’échelle de la famille nucléaire.
L’objectif n’est pas tant d’éduquer les mamans que de leur redonner confiance en elles sur leurs capacités à élever leurs enfants. Ces séances sont animées par des personnes généralement issues du même contexte social, qui ont été formées par le programme sur plusieurs thèmes liés au développement de l’enfant ainsi que sur la manière de les aborder. Un groupe se compose généralement de 10 mères et d’une douzaine d’enfants. Chaque session comporte un thème central, par exemple : les différents stades d’évolution de l’enfant, l’importance du jeu, la socialisation, les conséquences de la violence, les mauvaises habitudes, etc.
Durant deux à six mois, chaque groupe se réunit une fois par semaine. Lors de la dernière session, un petit bilan est dressé avec toutes les personnes présentes afin qu’elles puissent faire part de leur ressenti sur l’ensemble des activités menées et témoigner de changements au sein de leur famille, dans le rapport créé avec leurs jeunes enfants. Des visites à domicile sont également programmées entre les sessions, au rythme d’une rencontre tous les 15 jours, pour évaluer l’impact de ces différentes activités sur le quotidien de la relation parents-enfants au sein du foyer, ou encore pour aider concrètement la famille à mettre en œuvre les bonnes pratiques repérées au sein des groupes de mamans.
[1]Dans la majorité des familles, les mères s’occupent de leur foyer et les pères travaillent comme journaliers (construction, manœuvres,…). Ces deniers sont donc moins disponibles pour participer aux sessions mais on essaye tout de même de les inclure dans la mesure du possible, notamment au travers de programmes spéciaux organisés le week-end, ou encore à l’occasion des visites à domicile dans les familles, en soirée.
4) La santé, lutte conte la tuberculose
La promiscuité, le manque d’hygiène, le faible niveau d’éducation et la pauvreté favorisent la recrudescence de la tuberculose qui atteint un niveau alarmant. Dans le Maharashtra, le plus grand
nombre de cas et le risque de contamination le plus élevé se trouvent dans les bidonvilles de Mumbai et New Mumbai.
Malgré les efforts du gouvernement pour réformer le programme national de contrôle de la tuberculose par l’adoption de la méthode DOTS, il reste difficile d’intervenir avec dans les bidonvilles.
Dans ces quartiers, les services de santé et les personnels des dispensaires se trouvent démunis et souvent inefficaces. Par exemple, sans une connaissance approfondie des quartiers il est
particulièrement difficile pour un fonctionnaire des services de santé de retrouver l’adresse d’un patient irrégulier.
Par ailleurs, l’accueil et l’information des malades, le recueil des données, le suivi strict des protocoles thérapeutiques et la qualité des examens de crachats réalisés dans les dispensaires
publics laissent souvent à désirer.
La méthode consiste à intervenir dans les dispensaires et les hôpitaux publics sur le suivi des malades habitant les bidonvilles et inscrits dans le programme national ou chez des praticiens
privés. Là encore, de petites équipes (en général un travailleur social ou un infirmier et 2 à 3 agents de santé) spécialisées dans le contrôle de la tuberculose sont constituées dans chaque
quartier.
Les activités sont les suivantes :
- organisation de la collaboration avec les médecins et les » District TB Officers » (DTO) des dispensaires et hôpitaux publics proches des quartiers,
- organisation de l’emploi du temps des agents de santé afin qu’ils puissent vérifier à domicile la régularité des prises de traitement des tuberculeux. La priorité est donnée aux cas contagieux.
(une visite à domicile est faite dès qu’un patient n’a pas pris son traitement depuis 7 jours),
- information des familles et envoi des individus contagieux pour des analyses de contrôle,
- chaque trimestre un médecin coordinateur spécialiste de la tuberculose recueille les résultats des différentes équipes et en fait la synthèse. Il visite chaque lieu d’intervention pour faire le
point avec chacune des équipes et apporter des formations complémentaires.
Ce projet est basé sur une forte implication des pouvoirs publics, des associations locales comme des bénéficiaires eux-mêmes. Les accompagnatrices familiales, les monitrices de préscolaire, les agents de santé, certains enseignants ainsi qu’une partie des cadres des ONG partenaires sont issus des quartiers et/ou y habitent.
1) En matière d’accompagnement familial
➜ 2 349 familles ont été accompagées au cours de l’année 2011 dans les bidonvilles de Mumbai, Pune et Chennai.
A l’issue de l’accompagnement, plus de 80 % des familles bénéficiaires estiment que leur situation s’est fortement améliorée.
➜ 2 580 familles ont été suivies en 2011 dans le cadre des permanences sociales
2) En matière d'éveil de la petite enfance
➜ En 2011, 290 familles ont été guidées et soutenues à travers les sessions de groupes et des visites à domicile complémentaires.
➜ Kshitij, un de nos partenaires a proposé les activités à un cercle plus large de bénéficiaires grâce à l’ouverture d’une permanence sociale dédié à l’éveil de la petite enfance. 200 familles y sont venues durant l’année 2011.
3) Dans le domaine de la lutte contre la tuberculose
➜ 3 841 nouveaux patients tuberculeux indigents ont été traités en 2011. Les familles des patients ont été informées des dangers de la Tuberculose et référées aux dispensaires proches pour des analyses de contrôle.
➜ Le temps moyen de traitement et de suivi des patients a été ramené à moins de 7 mois.
➜ Le taux de guérison moyen a été de 82% et le taux d’abandon de traitement se maintient à un niveau inférieur à 10% depuis 2006 (Il était de l’ordre de 40 % avant l’an 2000).
➜ Les médecins privés proches des quartiers concernés ont été régulièrement rencontrés par les équipes chargées de la lutte contre la tuberculose. Ils ont pris conscience de l’importance de collaborer avec le programme national et de leur intérêt direct à cette participation.
➜ Plusieurs dizaines de séances publiques d’information à propos de la tuberculose ont été réalisées par les associations au sein des différents bidonvilles.Ces rencontres ont touché plus de 100 000 personnes en 2011.
➜ Depuis quelques années, les cas de tuberculose résistant aux traitements de base sont en forte progression à Bombay. Nous sensibilisons les familles à ces nouveaux risques, souvent liés au suivi incomplet du traitement lors d'un premier épisode de la maladie. Nous référons ces malades vers les quelques centres publics qui sont en mesure de les traiter, malheureusement avec des résultats limités...
1) Moyens matériels
De nombreux locaux ont été mis à la disposition de nos partenaires par la municipalité ou par les associations de quartier. Quand elles n’obtiennent pas de locaux gratuits, les associations ont
recours à la location. Dans les deux cas, il faut prévoir des frais de réparation ou d’aménagement qui restent en général minimes. En dehors de ces frais liés aux locaux il faut prendre en charge
le matériel tel que des armoires, des tableaux, des fournitures scolaires et du matériel pédagogique.
En ce qui concerne la santé soulignons que, dans de nombreux locaux, les consultations, les analyses, les traitements anti-tuberculeux, les vaccins, et les médicaments de base ou de prévention
(sels de réhydratation, fer, vitamines) sont fournis gratuitement par les services municipaux.
2) Ressources humaines
De nombreuses petites équipes distinctes sont nécessaires pour mener à bien le projet. Le tableau suivant résume les besoins en ressources humaines de nos partenaires.
Agent de terrain | Personnel Intermédiaire | Cadre ONG Indiennes** | |
Accompagnement familial et éveil 11 équipes |
97 animateurs |
26 coordinateurs et superviseurs |
Participation aux salaires de 11 directeurs Participation aux salaires de 8 comptables |
Tuberculose 4 équipes |
13 agents de santé ou travailleurs sociaux 1 aide laboratin |
1 médecin coordinateur indien 4 superviseurs 3 laborantins |
Participation. aux salaires de 3 directeurs Participation aux salaires de 4 comptables |
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